9
J’étais encore plus effrayée en rentrant chez moi qu’en en partant. J’aimais beaucoup mon arrière-grand-père – autant qu’on peut aimer quelqu’un qu’on connaît depuis si peu de temps, mais je ne demandais qu’à l’aimer davantage – et j’étais tout à fait prête à le soutenir jusqu’au bout, par respect pour les liens de parenté qui nous unissaient... Mais je ne savais toujours pas comment mener cette guerre, encore moins comment l’éviter. Les fées n’existaient pas, aux yeux des humains, et s’en trouvaient fort bien. Contrairement aux changelings et aux vampires, elles n’avaient aucune envie qu’on leur fasse une place sur notre planète. Pourquoi se seraient-elles soumises aux lois et aux limitations des humains, alors qu’elles pouvaient faire ce que bon leur semblait, puis se volatiliser dans leur repaire secret ?
Pour ce qui était peut-être la millionième fois, j’ai regretté de ne pas avoir un arrière-grand-père normal, au lieu de cette glorieuse et princière version d’aïeul aussi improbable qu’encombrante.
Puis j’ai eu honte. J’aurais dû me réjouir, au contraire. J’ai prié pour que Dieu n’ait pas remarqué ce petit accès d’ingratitude caractérisée.
J’avais déjà eu une journée bien remplie et il n’était que 14 heures. Ça se présentait mal, pour un jour de repos. D’habitude, j’en profitais pour faire la lessive, le ménage, les courses ; je réglais les factures ; je lisais... Mais il faisait vraiment trop beau pour rester à l’intérieur. Je voulais une activité de plein air, qui me laisserait l’esprit suffisamment libre pour réfléchir. Et Dieu sait que j’avais de quoi gamberger !
J’ai jeté un coup d’œil aux parterres envahis par les mauvaises herbes et j’ai décidé de m’y attaquer. Pour moi, c’était la pire des corvées. Peut-être parce que, quand j’étais petite, c’était toujours sur moi que ça tombait. Granny s’était fait un devoir de nous apprendre, à Jason et à moi, le sens du mot « travail ». C’était en son honneur que j’essayais d’entretenir les massifs de fleurs. J’ai soupiré et pris mon courage à deux mains. J’allais commencer par le parterre qui bordait l’allée, côté jardin.
Je me suis donc dirigée vers la cabane à outils – une version métallique du genre, la dernière d’une longue série qui avait servi la famille Stackhouse, de génération en génération, depuis qu’elle s’était installée dans cette petite clairière au milieu de nulle part. J’ai ouvert la porte avec un mélange de plaisir et d’appréhension, en songeant qu’il allait bien falloir, un jour, que je retrousse mes manches pour me coltiner le nettoyage de tout ce fourbi. J’avais toujours le vieux sarcloir de ma grand-mère – et allez donc savoir à qui il avait appartenu avant elle ! C’était une antiquité, mais il avait été si bien entretenu qu’il pouvait rivaliser avec les modèles les plus récents. La prise en main était même meilleure. Je suis donc entrée dans la pénombre qui régnait à l’intérieur pour prendre mes gants de jardin et cette vénérable relique familiale.
Je savais, pour l’avoir vu sur eBay, qu’il y avait des tas de gens qui collectionnaient les vieux outils agricoles. Cette cabane aurait été une vraie caverne d’Ali Baba pour eux. Dans ma famille, on n’aimait pas le gâchis : on ne jetait pas ce qui pouvait encore servir. Quoique plein à craquer, l’endroit était bien rangé. Mon grand-père était très ordonné. Quand on était venus vivre chez mes grands-parents, mon frère et moi, il avait dessiné la silhouette de chaque outil sur une planche. C’était à cet emplacement qu’il voulait le voir remis après utilisation. Je pouvais pratiquement trouver chacun d’eux les yeux fermés, et le sarcloir de Granny ne faisait pas exception à la règle. C’était sans doute le plus vieux de tous. Il était lourd, plus pointu et plus étroit que la plupart des modèles plus modernes, mais je m’étais habituée à son maniement et je n’en aurais pas voulu d’autre.
Si on avait vraiment été au printemps, je me serais remise en maillot pour joindre l’utile à l’agréable. Mais le soleil avait beau briller de tous ses feux, mon insouciance matinale s’était envolée et je n’avais plus du tout envie de me faire bronzer. J’ai enfilé mes gants. D’abord parce que je ne voulais pas m’abîmer les ongles, et ensuite parce que certaines de ces mauvaises herbes savaient se défendre, figurez-vous. Notamment une qui avait une grosse tige charnue et des feuilles hérissées de piquants. Si on avait le malheur de la laisser pousser en paix, elle fleurissait. Celle-là, il fallait l’attaquer à la racine. Il y en avait toute une colonie qui envahissait les massifs de balisiers.
Granny en aurait eu une attaque.
Accroupie devant le parterre, je me suis mise à l’ouvrage. De la main droite, je plongeais le sarcloir dans la terre meuble pour libérer les racines et, de la main gauche, j’arrachais l’herbe. Je la secouais ensuite pour faire tomber la terre et je la balançais dans l’allée. Avant de commencer, j’avais posé la radio sur les marches, derrière la maison. Au bout de trois secondes, je chantais déjà avec LeAnn Rimes – la belle blonde du Mississipi avait le même âge que moi, sauf qu’elle, elle alignait les disques d’or et moi, les demis. Je commençais à oublier un peu mes soucis. En quelques minutes, j’avais une honnête pile de mauvaises herbes qui s’entassaient dans mon allée et une auréole qui me poussait au-dessus de la tête.
S’il n’avait pas parlé, l’histoire se serait terminée tout autrement. Mais il était tellement sûr de lui qu’il n’a pas pu s’empêcher de la ramener. Sa vanité m’a sauvée.
Et puis, il avait plutôt mal choisi son entrée en matière. « Je vais me faire un plaisir de vous tuer pour mon seigneur et maître » n’est pas la meilleure façon de s’attirer ma sympathie.
J’ai de bons réflexes – et du sang de vampire dans les veines. Je me suis relevée comme un ressort, le sarcloir à la main et, dans le même élan, je le lui ai planté dans le ventre. Il s’est enfoncé comme dans du beurre, et jusqu’au manche. À croire qu’il avait été prévu pour ça. Le sarcloir de Granny : l’arme suprême contre les fées !
En l’occurrence, c’était précisément ce qu’il était, parce qu’il était en fer et que mon agresseur était justement une fée.
J’ai reculé d’un bond. Je me suis ramassée sur mes jambes, le sarcloir ensanglanté toujours à la main, et j’ai attendu de voir ce qu’allait faire mon agresseur. Il regardait le sang qui lui filait entre les doigts avec une expression de stupeur, comme s’il ne parvenait pas à croire que j’aie pu tacher son beau costume. Puis il a levé les yeux vers moi, de grands yeux bleus écarquillés. Il y avait une question écrite en gros sur son visage, comme s’il me demandait si c’était bien moi qui lui avais fait ça, s’il n’y avait pas une erreur dans le scénario.
J’ai commencé à reculer vers les marches, sans jamais le quitter des yeux. Mais il avait déjà cessé d’être une menace : comme je tâtonnais derrière moi pour ouvrir la porte de la véranda, je l’ai vu s’écrouler sur le gravier. Il avait toujours cette même incrédulité dans les prunelles quand il a basculé.
Je me suis réfugiée dans la maison et j’ai verrouillé la porte à double tour. Puis, les jambes en coton, j’ai marché jusqu’à la fenêtre de la cuisine pour jeter un coup d’œil dehors. Je me suis penchée le plus possible au-dessus de l’évier. De cet endroit, je ne pouvais apercevoir qu’une petite partie du corps recroquevillé.
— OK, ai-je alors dit à haute voix. OK.
Il était mort. Du moins, il en avait l’air. Tout s’était passé si vite !
Je tendais déjà la main vers le téléphone mural quand j’ai vu à quel point elle tremblait : je n’allais jamais y arriver. Je me suis donc rabattue sur mon portable, posé sur le plan de travail où je l’avais mis à recharger. Dans les moments critiques, c’est à Dieu qu’il faut s’adresser, pas à ses saints. J’ai donc appuyé sur la sonnette d’alarme : la touche correspondant au numéro top secret que mon arrière-grand-père m’avait donné et que je devais composer en cas de danger. J’estimais que l’urgence de la situation m’y autorisait. Une voix masculine a répondu. Mais ce n’était pas celle de Niall.
— Oui ? a-t-elle demandé d’un ton méfiant.
— Euh... est-ce que Niall est là ?
— Je peux le joindre. Puis-je vous aider ?
« Du calme, me suis-je ordonné. Du calme. »
— Pouvez-vous lui dire, s’il vous plaît, que j’ai tué une fée, que le corps traîne dans ma cour et que je ne sais pas quoi en faire ?
Il y a eu un silence au bout du fil.
— Oui, je vais le lui dire.
— Bientôt ? Parce que je suis toute seule et je panique un peu.
— Oui, très bientôt.
— Et quelqu’un va venir ?
Aïe aïe aïe ! Qu’est-ce que je faisais geignarde ! Je me suis redressée.
— Je peux le charger dans le coffre de ma voiture, je veux dire, ou appeler le shérif, j’imagine, ai-je repris, pour tenter d’impressionner l’inconnu du téléphone et lui montrer que je n’étais pas complètement dépourvue d’esprit d’initiative. Mais, comme vous faites tout un tas d’histoires pour garder le secret et tout ça... Et puis, le type n’était pas armé, apparemment, et je peux difficilement prouver qu’il se serait fait un plaisir de me tuer, comme il l’a affirmé.
— Vous... avez tué une fée ?
— C’est bien ce que j’ai dit, dès le début, oui.
Monsieur Je-comprends-vite-mais-faut-m’expliquer-longtemps. J’ai risqué un nouveau coup d’œil par la fenêtre.
— Non, il ne bouge toujours pas : il est raide mort.
Le silence a duré si longtemps que, brusquement, j’ai eu des doutes : est-ce que j’avais eu un moment d’absence ? Est-ce que j’avais raté quelque chose ?
— Pardon ? ai-je hasardé, au cas où.
— Vous vous en repentez vraiment ? s’est étonné mon interlocuteur. On arrive.
Et il a raccroché. Je ne me sentais plus le courage de regarder par la fenêtre. J’avais déjà vu des morts, pourtant, tant humains que surnaturels. Depuis la nuit où j’avais rencontré Bill Compton Chez Merlotte, j’avais eu plus que ma part de cadavres – je ne veux pas dire que c’était la faute de Bill, évidemment.
J’avais la chair de poule et je tremblais de partout.
Cinq minutes plus tard, Niall sortait du bois. Il devait y avoir une sorte de portail ou de passage, de ce côté-là. Ou peut-être que Scotty les avait téléportés, comme dans Star Trek ? (Peut-être que je commençais à dérailler, aussi.)
Il était accompagné d’un autre homme – une autre fée, vraisemblablement. Ils se sont arrêtés devant le corps et ont échangé quelques mots. Ils avaient l’air ahuris. Mais, comme ils ne paraissaient pas effrayés et ne se comportaient pas comme s’ils craignaient de voir le type se relever pour les attaquer, je me suis traînée jusqu’à la porte de la véranda.
Ils savaient que j’étais là, mais ils semblaient ne pas pouvoir détacher les yeux du cadavre.
Mon arrière-grand-père a alors levé le bras, et je suis allée me blottir contre lui. Il m’a serrée avec chaleur et, quand je l’ai regardé, je me suis aperçue qu’il... souriait.
D’accord. Je ne m’attendais pas à ça.
— Tu fais honneur à la famille, m’a-t-il alors félicitée. Tu viens de tuer mon ennemi. Je savais bien que j’avais raison de croire en la race humaine.
Il était fier comme un paon.
— Parce que... vous trouvez ça bien ? ai-je murmuré, incrédule.
L’autre homme-fée a éclaté de rire et, pour la première fois, m’a regardée. Il avait les cheveux couleur caramel au lait et les yeux assortis. Ça donnait un résultat bizarre, très perturbant – ce qui ne l’empêchait pas d’être beau à tomber, comme toutes les fées que j’avais rencontrées. J’ai réprimé un soupir.
Entre les vampires et les fées, je n’avais aucune chance de sortir du lot.
— Je m’appelle Dillon, s’est-il présenté.
— Oh ! vous êtes le père de Claudine ! Enchantée de vous connaître. J’imagine que votre nom veut dire quelque chose ?
— Eclair, m’a-t-il répondu, avant de me gratifier d’un sourire ravageur.
— Et lui, qui est-ce ? ai-je demandé en désignant la dépouille du menton.
— Murry, m’a informée Niall. Un ami intime de mon neveu Breandan.
Murry avait l’air très jeune. S’il avait été humain, on ne lui aurait pas donné plus de dix-huit ans.
— Il a dit qu’il se ferait un plaisir de me tuer, me suis-je indignée.
— Oui, mais c’est vous qui l’avez tué. Comment avez-vous fait ? s’est enquis Dillon.
On aurait pu croire qu’il me demandait comment j’étalais ma pâte feuilletée.
— Je lui ai enfoncé le sarcloir de ma grand-mère dans le ventre. Enfin, de ma grand-mère... Elle devait elle-même le tenir de sa mère. Ce n’est pas qu’on fasse une fixette sur les outils de jardin, dans la famille, mais il est bien pratique et puisqu’on l’a sous la main, pourquoi en acheter un autre, hein ?
Cette fois, pas de doute, je déraillais.
Ils m’ont tous les deux dévisagée. Peut-être qu’ils me prenaient pour une folle ?
— Pourrais-tu nous montrer cet... outil de jardin ? m’a dit Niall.
— Bien sûr. Euh... est-ce que vous voulez du thé ou autre chose ? Je crois que j’ai du Pepsi et de la citronnade.
Non, non, non, pas de citronnade, idiote ! Ils en mourraient.
— Pardon, oubliez la citronnade, ai-je précipitamment repris. Du thé ?
— Non, a répondu Niall avec douceur. Pas maintenant, merci.
J’avais abandonné le sarcloir au milieu des balisiers. Quand je suis allée le récupérer et que je me suis approchée d’eux pour le leur montrer, Dillon a eu un mouvement de recul.
— Du fer ! a-t-il soufflé.
— Tu n’as pas mis tes gants, lui a reproché Niall, en me prenant le sarcloir des mains.
Les siennes étaient recouvertes d’une matière spécialement mise au point par les labos des fées et fabriquée par les usines qu’elles finançaient. Protégées par cette substance élastique, les fées pouvaient se balader dans notre monde avec la relative assurance de ne pas se faire empoisonner à tous les coins de rue.
Dillon avait l’air contrit.
— Non, pardon, père.
Niall a secoué la tête comme s’il était déçu par son inconscient de fils. Mais, en fait, il n’avait d’yeux que pour le sarcloir. Il manipulait du bout des doigts, avec d’infinies précautions, cet objet qui pouvait lui être fatal.
— Il s’est enfoncé très facilement, lui ai-je rapporté, avant de réprimer une brusque nausée. Je ne sais pas pourquoi. Il est pointu, mais quand même.
— Le fer pénètre dans nos chairs comme la lame brûlante d’un couteau dans du beurre, m’a expliqué Niall.
— Beurk !
Bon, eh bien, au moins je savais que je n’étais pas devenue Superwoman.
— Il vous a surprise ? m’a demandé Dillon.
Quoiqu’il n’ait pas, sur le visage, ces infimes ridules qui ne faisaient que rehausser la beauté de son père, Dillon paraissait à peine plus jeune que Niall, ce qui rendait leur relation filiale encore plus improbable.
Un seul coup d’œil au cadavre a suffi à me ramener à la réalité.
— Ça, pour me surprendre, il m’a surprise ! Je désherbais le parterre et, avant que je comprenne ce qui m’arrivait, il était là, juste à côté de moi, et il me disait qu’il allait se faire un plaisir de me tuer. Ça m’a flanqué une peur bleue, alors j’ai, comme qui dirait, sursauté. Enfin, je me suis redressée d’un bond et je lui ai enfoncé le sarcloir dans l’estomac.
Une fois de plus, j’ai dû batailler contre mon propre estomac, qui avait une furieuse tendance à vouloir me remonter dans la gorge.
— A-t-il ajouté quelque chose ?
Mon arrière-grand-père avait beau s’efforcer de paraître décontracté, il était clair qu’il était pendu à mes lèvres.
— Non, monsieur. Il a semblé un peu surpris, puis il... il s’est effondré, raide mort.
J’ai marché d’un pas mécanique vers les marches. J’avais besoin de m’asseoir. Je suis tombée comme une masse.
— C’est pas que je me sente réellement coupable, ai-je poursuivi, avec un débit de mitraillette à la Diantha. C’est juste qu’il allait me tuer et qu’il s’en réjouissait d’avance alors que je ne lui avais jamais rien fait. Je savais même pas d’où il sortait, et voilà qu’il est mort.
Dillon s’est agenouillé à mes pieds et m’a dévisagée. Pas vraiment avec gentillesse, mais avec un peu moins d’indifférence qu’avant tout de même.
— C’était notre ennemi et, maintenant, il n’est plus : cela fait donc un adversaire de moins, m’a-t-il expliqué. Vous devriez vous réjouir.
— Pas vraiment.
Je ne voyais pas comment lui faire comprendre ce que j’éprouvais.
— Vous êtes chrétienne ! s’est-il exclamé, comme s’il venait de découvrir que j’étais hermaphrodite ou martienne.
— Oui, mais un très mauvais spécimen, me suis-je empressée de rectifier.
Il a pincé les lèvres, comme s’il réprimait un fou rire. Avec le cadavre du mec que je venais de trucider à deux pas, je n’avais vraiment pas envie de rigoler. Je me suis demandé combien de temps Murry avait foulé cette terre, tout ça pour finir en bouillie sur mon gravier. Hé ! attendez un peu ! Mais non ! Voilà qu’il tombait en poussière. Et ça n’avait rien à voir avec la façon dont les vampires se désagrégeaient. C’était plutôt comme si on... l’effaçait.
— Tu as froid ? s’est inquiété Niall.
Il ne semblait rien trouver d’extraordinaire à la pulvérisation d’un cadavre.
— Non, monsieur. C’est juste le choc. Enfin, je veux dire, j’étais en train de me dorer au soleil, puis je suis allée voir Claude et Claudine, et maintenant...
Je ne parvenais pas à m’arracher au spectacle morbide de ce corps qui disparaissait sous mes yeux.
— Tu t’offrais au soleil et tu jardinais ? Nous adorons le soleil et le ciel, s’est-il subitement enthousiasmé, comme si c’était la preuve irréfutable que j’avais de très nettes affinités avec la branche féerique de mon arbre généalogique.
Il m’a souri. Il était si beau ! Je me sentais comme une adolescente à côté de lui, une adolescente boutonneuse et empotée. Et, maintenant, je me sentais comme une adolescente qui venait de commettre un meurtre.
— Est-ce que vous allez recueillir ses... euh... ses cendres ? ai-je lancé en me levant.
J’essayais de la jouer alerte et déterminée. Si je pouvais me remuer un peu, ça me changerait les idées : je me sentais terriblement déprimée.
Deux paires d’yeux bizarres, au regard totalement inexpressif, se sont rivés sur moi.
— Pourquoi ? a finalement demandé Dillon.
— Pour les enterrer.
Ils ont paru horrifiés.
— Non, non, surtout pas sous terre ! s’est écrié Niall, en s’efforçant de ne pas paraître aussi scandalisé qu’il l’était. C’est contraire à nos coutumes.
— Qu’est-ce que vous allez en faire, alors ?
Ça commençait à faire un sacré paquet de paillettes dans mon allée. Sans compter le parterre. Et le torse ne s’était pas encore dissous !
— Je ne voudrais pas vous bousculer, mais Amélia peut rentrer d’un instant à l’autre, ai-je argué. Et puis, ce n’est pas comme si j’étais assaillie de visiteurs, mais il y a toujours le livreur de colis qui peut débarquer quand on s’y attend le moins, ou le mec qui relève le compteur.
Dillon a regardé son père comme si je m’étais subitement mise à parler japonais.
— Sookie partage sa maison avec une autre humaine et cette femme peut revenir à tout moment, lui a expliqué Niall.
Ce qui me faisait penser...
— Est-ce qu’il faut que je m’attende à recevoir une autre visite ? ai-je demandé en désignant le cadavre – ou ce qu’il en restait – du menton.
— C’est possible, m’a répondu Niall. Je suis navré, Sookie. Fïntàn s’y est pris bien mieux que moi pour te protéger. Il t’a même protégée de moi, alors que je ne te voulais que du bien. Il refusait de me dire où tu étais.
Pour la première fois depuis que je l’avais rencontré, Niall semblait triste, tourmenté, fatigué.
— J’ai tenté de te préserver. Je voulais juste te connaître avant qu’ils ne réussissent à me tuer. Je suis passé par l’intermédiaire du vampire pour ne pas attirer l’attention, mais, en organisant ce rendez-vous pour te rencontrer, je t’ai mise en danger, a-t-il déploré. Quoi qu’il en soit, tu peux faire confiance à Dillon, a-t-il ajouté en posant la main sur l’épaule de son fils. S’il t’apporte un message, c’est qu’il est réellement de moi.
Dillon m’a décoché son sourire de charmeur, découvrant deux rangées de dents d’une blancheur aveuglante... et dignes d’un film d’horreur. Glups ! Il avait beau être le père de Claude et de Claudine, il n’en était pas moins terrifiant.
— Je reprendrai prochainement contact avec toi, m’a annoncé Niall, en se penchant pour m’embrasser.
Ses longs cheveux d’ange m’ont caressé la joue. Il sentait tellement bon – un truc de fées, ça : elles émettent toutes un parfum divin.
— Je suis navré, Sookie, a-t-il répété. J’ai cru que je pourrais tous les forcer à accepter... Je me suis trompé.
Ses beaux yeux verts étincelaient, comme pour exprimer l’intensité de ses regrets.
— Est-ce que tu as...
Il a jeté un regard circulaire.
— Ah oui ! un tuyau d’arrosage. Nous pourrions emporter le plus gros de cette poussière, mais je crois qu’il sera plus pratique de... l’éparpiller.
Il m’a enlacée pour me serrer contre lui. Dillon s’est contenté d’une parodie de salut. À peine s’étaient-ils enfoncés de deux pas dans le bois qu’ils ont disparu. Pouf !
Alors, c’était tout ? Ils me laissaient toute seule dans ma cour ensoleillée, avec un tas de paillettes en forme de corps sur mon gravier ?
J’ai dressé mentalement la liste de tous les trucs bizarres que j’avais faits depuis que je m’étais levée : j’avais répondu à un interrogatoire de police au saut du lit, je m’étais fait bronzer en janvier, j’avais retrouvé des fées au centre commercial, je m’étais décidée à désherber – un événement en soi – et... j’avais commis un meurtre. Et, maintenant, c’était petite séance d’arrosage pour liquidation de cadavre. Et la journée n’était pas encore terminée !
J’ai tourné le robinet, déroulé le tuyau d’arrosage et pincé le bout pour vaporiser l’eau au bon endroit.
Ça me faisait un drôle d’effet. Je me regardais faire, comme si je me dédoublais.
— On aurait pu penser que tu t’y serais habituée, depuis le temps.
Et voilà que je me parlais à haute voix, maintenant ! Encore plus flippant.
Je ne comptais plus les gens que j’avais trucidés – même si, techniquement, ce n’étaient pas des gens, pour la plupart. Dix-huit mois plus tôt, je n’avais encore jamais ne serait-ce que levé la main sur quelqu’un, sauf sur Jason, qui s’était pris un coup de batte de base-ball en plastique dans l’estomac pour avoir scalpé ma Barbie.
Je me suis secouée. Ce qui était fait était fait. Ça ne servait à rien de revenir dessus.
J’ai lâché le bout du tuyau et je suis allée fermer le robinet.
Comme le soleil baissait, c’était assez difficile à dire, mais je pensais avoir assez bien dispersé la poussière de fée : il ne restait plus aucune trace de mon forfait.
— Dans ton allée, oui. Mais pas dans ta mémoire... ai-je monologué.
Puis j’ai été prise d’une crise de fou rire, ce qui n’a rien arrangé. J’étais là, plantée dans ma cour, à nettoyer des restes de fée à coups de tuyau d’arrosage et à me faire de grandes déclarations mélodramatiques toute seule. Un peu plus, et j’allais déclamer le monologue d’Hamlet qu’on nous avait fait apprendre par cœur au lycée.
Cet après-midi m’avait brutalement ramenée sur terre, et pas dans l’endroit le plus génial qui soit.
Je me mordillais la lèvre. Si, au début, j’avais vraiment été emballée à l’idée d’avoir un membre de ma famille encore en vie, j’étais, maintenant, complètement dégrisée. Il fallait bien voir les choses en face : Niall avait beau être charmant (la plupart du temps), il se montrait aussi complètement imprévisible. Même si c’était par inadvertance, il avait mis ma vie en danger, il l’avait reconnu lui-même. Peut-être que j’aurais dû m’interroger plus tôt sur mon grand-père Fïntàn. D’après Niall, il avait constamment veillé sur moi sans jamais se manifester : un peu flippant, comme idée, mais émouvant. Niall aussi était flippant et émouvant. Dillon était juste flippant.
Avec le crépuscule, la température a chuté et, quand je suis rentrée, je frissonnais. Le tuyau allait peut-être geler, cette nuit, mais c’était le cadet de mes soucis. Il y avait des vêtements à ranger dans le sèche-linge et il fallait que je mange quelque chose – je n’avais rien avalé depuis le petit déjeuner. Ça tombait bien : c’était bientôt l’heure du dîner. (Qu’est-ce que vous voulez ? J’avais besoin de trucs pragmatiques auxquels me raccrocher.)
Amélia a téléphoné pendant que je pliais le linge propre. Elle m’a annoncé qu’elle allait bientôt sortir du bureau et retrouver Tray pour une soirée restau ciné. Elle m’a proposé de venir, mais je lui ai dit que j’avais des trucs à faire. Amélia et Tray n’avaient pas besoin qu’on leur tienne la chandelle et je n’avais aucune prédisposition pour le rôle.
Ça ne m’aurait pas déplu d’avoir un peu de compagnie, pourtant. Mais qu’est-ce que j’aurais eu à raconter pour animer la soirée : « Et le sarcloir lui est entré dans le ventre comme dans du beurre ! » ?
J’en ai frémi rétrospectivement. Puis j’ai essayé de réfléchir à la suite des événements. Un compagnon impartial, voilà ce qu’il m’aurait fallu. Je regrettais Bob le chat (bien qu’il ne soit pas né sous la forme d’un chat et qu’il n’en soit plus un, à présent). Peut-être que je pourrais en avoir un autre, un vrai ? Ce n’était pas la première fois que j’envisageais d’aller à la SPA. Mais je préférais attendre que le problème des fées soit résolu avant. À quoi bon adopter un animal de compagnie si je risquais de me faire enlever ou tuer à tout moment ? Ce ne serait pas très sympa pour lui. Je me suis prise à glousser à cette idée. Oh ! je filais un mauvais coton, moi, comme aurait dit Granny.
Bon, il était temps d’arrêter de broyer du noir et de faire quelque chose d’utile. D’abord, nettoyer le sarcloir et le ranger. Je suis allée le mettre dans l’évier, où je l’ai lavé, récuré et rincé. Le métal terne semblait avoir gagné un nouvel éclat au contact de la fée, comme les fleurs du jardin quand on vient de les arroser. Je l’ai orienté vers la lumière et je suis restée à le regarder un moment. Puis je me suis reprise et je me suis remise à frotter. Quand j’ai estimé que le sarcloir de Granny n’aurait pas pu être plus rutilant, je l’ai de nouveau lavé et rincé. Puis je suis sortie dans la cour affronter l’obscurité pour aller rependre ce maudit truc à son crochet.
Je me suis demandé si je ne ferais pas mieux d’en acheter un neuf au supermarché, après tout. Je n’étais pas très sûre d’avoir envie de me servir de celui-là, la prochaine fois que je voudrais planter des bulbes de jonquilles. Ce serait un peu comme utiliser un poignard pour se nettoyer les ongles. J’ai hésité, la main en l’air, maintenant l’objet du délit devant sa silhouette dessinée, prête à le remettre à sa place. Puis j’ai changé d’avis et je l’ai rapporté à la maison. Je me suis attardée deux secondes sur les marches pour admirer les derniers rayons du couchant jusqu’à ce que mon estomac gargouille, me ramenant à des considérations plus terre à terre.
La journée avait été longue. Je m’apprêtais à m’installer confortablement devant la télé avec une assiette pleine de calories, pour regarder une émission qui n’allait vraisemblablement rien faire pour améliorer mon QI, quand j’ai entendu un crissement de pneus sur le gravier.
Je suis sortie par la porte de derrière pour voir qui c’était. En tout cas, c’était quelqu’un qui connaissait les habitudes de la maison parce que, au lieu de se garer devant, la voiture a poursuivi son chemin pour venir se ranger dans la cour.
La journée avait été riche en émotions, mais je n’étais pas encore au bout de mes surprises. Et quelle surprise ! Mon visiteur n’était autre que Quinn – qui, si mes souvenirs étaient bons, n’était pas censé mettre ne serait-ce qu’une griffe dans la cinquième zone. Il conduisait une Ford Taurus : une voiture de location.
— Oh, génial ! ai-je soupiré.
Dire que, dix minutes plus tôt, je regrettais de passer la soirée seule ! J’aimais beaucoup Quinn et je l’admirais profondément, mais sa visite promettait d’être aussi peu réconfortante pour moi que toutes celles qui l’avaient précédée depuis que j’avais mis un pied hors du lit. Décidément, c’était ma journée !
Il est sorti de sa Ford pour se diriger vers moi de sa démarche féline. Quinn a beau faire plus de deux mètres et avoir une carrure de déménageur, il se déplace toujours avec une grâce infinie. Son crâne rasé et ses yeux violets ne font qu’ajouter à son charme. Quinn est aussi l’un des derniers tigres-garous du monde, et probablement le seul tigre-garou mâle de tout le continent nord-américain. On avait rompu, la dernière fois que je l’avais vu. Je n’étais pas très fière de la façon dont je lui avais annoncé la chose, ni de la raison pour laquelle je l’avais quitté. Mais il me semblait avoir été assez claire à ce sujet.
Pourtant, il était là, devant moi, ses grandes mains posées sur mes épaules. Tout le plaisir que j’aurais pu éprouver à le revoir a été immédiatement balayé par la vague d’anxiété qui me submergeait. Je sentais les ennuis arriver à la vitesse grand V.
— Tu ne devrais pas être là, lui ai-je posément fait observer. Eric a rejeté ta requête, il me l’a dit.
— Est-ce qu’il t’a consultée avant ? Est-ce que tu savais que je voulais te voir ?
La nuit était tombée, et il faisait désormais assez noir pour que les spots extérieurs se déclenchent. La lumière crue n’a fait qu’accentuer la dureté de ses traits. Il a rivé son regard au mien.
— Non, mais là n’est pas la question.
Il y avait de l’électricité dans l’air : l’orage grondait. Mais ça ne venait pas de moi.
— Je crois que si.
J’avais eu une journée bien remplie, et je n’avais ni le temps ni l’envie de me lancer dans une grande discussion, parfaitement inutile de toute façon.
— Est-ce qu’on ne s’est pas déjà tout dit, la dernière fois ?
En dépit de l’affection que j’avais pour lui, je ne voulais pas me coltiner une autre scène. Alors, autant abréger.
— Peut-être toi, bébé. Mais pas moi.
Oh, bon sang ! Il ne manquait plus que ça ! Comme si je n’en avais pas assez vu pour aujourd’hui ! Mais comme je sais parfaitement que je ne suis pas le centre du monde, j’ai compté jusqu’à dix avant de lui répondre :
— Je sais que je ne t’ai pas vraiment laissé le choix quand je t’ai dit qu’on ferait mieux de ne plus se revoir, Quinn. Mais je le pensais vraiment. Qu’est-ce qui a changé dans ta vie ? Est-ce que ta mère est capable de se prendre en charge ? Est-ce que Frannie est suffisamment mûre, désormais, pour gérer la situation si jamais ta mère fait une nouvelle fugue ?
La mère de Quinn avait vécu des trucs terribles qui l’avaient rendue à moitié dingue. Enfin, complètement dingue, en fait. Quant à sa sœur, Frannie, elle avait toujours treize ans d’âge mental.
Il a baissé la tête pendant un moment, comme s’il rassemblait ses forces, puis il m’a regardée droit dans les yeux.
— Pourquoi es-tu si dure avec moi, plus dure qu’avec qui que ce soit d’autre ?
— Tu délires ! ai-je aussitôt protesté.
Jetais dure, vraiment ?
— As-tu demandé à Eric d’abandonner Le Croquemitaine ? As-tu demandé à Bill d’abandonner son petit jackpot informatique ? As-tu demandé à Sam de tourner le dos à sa famille ?
— Qu’est-ce que...
— Tu me demandes d’abandonner des gens que j’aime – ma propre mère, ma sœur – pour pouvoir être avec toi...
— Je ne te demande rien du tout !
La moutarde me montait au nez. Pourtant, j’ai réussi à conserver mon calme.
— Je t’ai dit que, pour l’homme de ma vie, je voulais passer en premier. Et je considérais – je considère encore, d’ailleurs – que ta famille devait nécessairement passer en premier, pour toi, parce que ta mère et ta sœur ne sont pas vraiment du genre à se débrouiller seules. Bien sûr que je n’ai pas demandé à Eric d’abandonner Le Croquemitaine ! Pourquoi ferais-je ça ? Et qu’est-ce que Sam vient faire là-dedans ?
Quant à Bill, je ne voyais même pas l’utilité de parler de lui : pour moi, il était complètement hors circuit.
— Bill aime la situation qu’il s’est faite dans le monde des humains et des vampires, et Eric tient plus à son petit pré carré de Louisiane qu’il ne tiendra jamais à toi.
À le voir, on aurait presque pu croire que ça lui faisait mal pour moi. N’importe quoi !
— Et toute cette hargne, là, elle sort d’où ? lui ai-je demandé en ouvrant les mains. Je ne t’ai pas quitté parce que j’avais des sentiments pour un autre. Je t’ai quitté parce que j’estimais que, pour toi, la coupe était déjà pleine.
— Il essaie de t’isoler de tous les gens qui t’aiment, Sookie, a-t-il argué en me regardant avec une perturbante intensité.
— C’est d’Eric que tu parles ?
— Il n’abandonnera jamais sa petite zone chérie pour toi, Sookie, jamais. Ça le boufferait de laisser sa cour de vampires à sa botte prendre leurs ordres de quelqu’un d’autre. Jamais il ne...
Cette fois, c’en était trop. J’ai poussé un cri de pure exaspération. Je suis même allée jusqu’à taper du pied comme une gamine de trois ans.
— Mais je ne lui ai rien demandé ! ai-je hurlé, à bout de nerfs. De quoi tu parles ? Tu es juste venu me voir pour me dire que plus personne ne m’aimera jamais, c’est ça ? Mais c’est quoi, ton problème ?
— Oui, Quinn, a alors dit une voix familière. C’est quoi, ton problème ?
Je vous jure que j’ai fait un bond de deux mètres. Absorbée par ma discussion avec Quinn, je n’avais pas senti Bill arriver.
— Tu lui fais peur, changeling, a poursuivi Bill, à moins d’un mètre derrière moi. Je ne le tolérerai pas.
La menace sous-jacente m’a fait frémir. Quinn s’est mis à gronder. Ses canines s’allongeaient à vue d’œil. Dieu sait que les crocs d’un vampire sont effrayants, alors imaginez ceux d’un tigre du Bengale... En une fraction de seconde, Bill s’est retrouvé à côté de moi, une étrange lueur argentée dans les prunelles.
Non seulement je craignais qu’ils ne s’entre-tuent, mais j’en avais vraiment marre que les gens apparaissent chez moi et en disparaissent comme ça leur chantait. Ce n’était pas une gare, ici !
Quinn avait des griffes qui lui poussaient au bout des doigts. Un grondement sourd faisait vibrer sa poitrine.
— Non !
Il fallait qu’ils m’écoutent. Il fallait... Bon sang ! Mais c’était un vrai cauchemar, cette foutue journée !
— Tu n’es même pas sur les rangs, le vampire, a déclaré Quinn, dans un feulement qui n’avait presque plus rien d’humain. Pour elle, tu appartiens au passé.
— Ta peau va me servir de descente de lit, le tigre, a riposté Bill d’une voix douce et froide comme une plaque de verglas.
Les deux imbéciles se sont sautés à la gorge.
Je m’apprêtais déjà à bondir pour les arrêter quand la partie de mon cerveau qui fonctionnait encore m’a fait comprendre que ce serait suicidaire. « Mon gravier va encore être aspergé de sang, ce soir », ai-je songé. J’aurais mieux fait de me dire : « J’ai intérêt à dégager d’ici vite fait. » En fait, j’aurais dû rentrer, fermer la porte et les laisser s’étriper.
C’est fou ce qu’on peut être prévoyant... rétrospectivement. En réalité, voilà ce que j’ai fait : je suis restée plantée là deux secondes, à agiter les mains bêtement, tout en me demandant comment je pourrais bien les séparer. Puis, en s’empoignant, les deux combattants ont vacillé. Quinn a repoussé Bill de toutes ses forces, et celui-ci m’est arrivé dessus comme un boulet de canon. Le choc a été si violent que j’ai été soulevée de terre... puis, forcément, au bout d’un moment, j’ai fini par retomber.